Ce n'est qu'un au revoir...

28 Novembre 1981, j'ai 5 ans. Ma maman a un énorme coup de foudre lors d'une soirée chez des amis. Deux jours plus tard, elle annonce à mon père qu'elle le quitte! En janvier 82, nous emménageons avec son Prince charmant, il s'appelle Charles mais très vite ma langue fourche et je le nomme: papa. Cela restera ainsi..

Ce deuxième papa, va m'élever comme sa fille, me transmettre ses valeurs, ses codes, ses goûts musicaux. C'est lui qui va gérer mes conneries, mes excès de l'adolescence. Il va devenir ma référence masculine et finalement mon mari lui ressemble à certains égards. Lors de mon mariage, il m'est totalement impensable qu'il ne puisse pas m'emmener à l'autel. Il est légitime qu'il y soit et donc je négocie pour avoir mes deux pères à mes bras. Tout un symbole!

Il m'a toujours encouragé, a toujours cru en moi, m'a soutenu dans mes rêves... Cela a été un père à l'écoute, ouvert d'esprit, attentionné, strict mais juste...  Le 23 juillet 2004, maman meurt après 4 ans de souffrances. Papa coule, survit  surtout grâce à son travail et à sa passion des voitures... Il s'enferme dans sa solitude,  la recherche même en éloignant amis, famille... Les années passent et cela me fait de plus en plus mal de le voir ainsi mais aussi d'avoir vraiment l'impression de le déranger quand je passe... Je sais qu'il m'aime ainsi que mes enfants mais il est de plus en plus difficile de communiquer avec lui.

Je le secoue en 2010, je pleure, je lui hurle mon désarroi, mon manque de lui. Il me prend dans ses bras, me rassure, me dit que cela ne vient pas de moi, qu'il est juste maladroit. Mais quelque chose est brisé en lui, et même si lorsque l'on se voit son regard s'allume, même si ses petites tornades (mes petits loups) le font rire, je le sens distant. 

Noël 2010, il m'offre avec deux de mes frère mon rêve de gosse: ma jument... Il me joint un petit mot me disant qu'il faut toujours aller au bout de ces rêves... Merci papa!

Début Novembre 2011, nous passons une soirée ensemble. Il sort une bonne bouteille, on parle cuisine, enfants, travail... je ne sais pas que je ne le reverrai pas...

10 Novembre, Pitchoune reçoit une carte pour son anniversaire. Ma soeur est là, nous l'appelons...Nous ne savons pas que nous ne lui parlerons plus jamais...

2 Décembre 2011, 7H15... son coeur lache... Arrêt cardiaque en allant travailler... papa est mort... Surréaliste...

Nous sommes le 10 et ne plus le voir me semble juste insupportable. Avec lui, une partie de moi s'en va: mon enfance, mes parents, mon adolescence... Je perds aussi maman une seconde fois. Je prends conscience qu'elle vivait encore grâce à lui, que mon deuil n'était pas fait. Je me sens orpheline, fragile, effondrée...  Je ne sais pas comment me relever. Juste envie de pleurer...

J'ai toujours mon père mais lui, même si j'en suis très proche, ne m'a pas élevé et ne pourra pas me consoler... Il ne représente pas "le couple parental"... Je n'ai pas le choix, il faut "juste" accepter et avancer. Et moi, si positive d'ordinaire, ne sait comment y arriver... 

Merci papa d'avoir fait la femme que je suis. Désolée de ne pas avoir su t'aider, de ne pas avoir réussit à te soutenir plus dans ton deuil, de ne pas avoir réussit à entretenir mieux notre relation après le décès de maman... Tu me manques terriblement, j'aurai aimé avoir la chance de te dire au revoir, te dire que je t'aimais, te dire d'embrasser maman pour moi...  Au revoir... Je veux croire que ce n'est qu'un au revoir...